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Cati Baur et son coup de coeur pour Quatre soeurs

Depuis la mort de leurs parents, les cinq soeurs Verdelaine habitent la grande villa Vill’Hervé. La vie suit son cours et avec un troisième album, c’est le printemps qui pointe son nez. Plus question d’hiberner, il faut trouver des sous, s’occuper des cousins et des troubles qui agitent le cœur des sœurs... Cati Baur nous raconte comment elle a adapté la série jeunesse de Malika Ferdjoukh.

Quatre soeurs, cinq filles d’envergure !

Comment avez-vous découvert Quatre sœurs et pourquoi avoir décidé de l’adapter ?

Cati Baur : En plus d’être auteure, je suis aussi libraire et découvre beaucoup d’ouvrages par ce biais. J’aime beaucoup les livres destinés à la jeunesse et aux adolescents. J’ai découvert les livres de la série Quatre sœurs en 2003, mais je ne connaissais pas du tout la première adaptation de Quatre sœurs ! Et tant mieux car j’admirais déjà beaucoup le travail de Lucie Durbiano, je n’aurais pas voulu me baser sur son imaginaire à elle.

Quatre soeurs

Du coup, j’ai envoyé un mail à Malika Ferdjoukh pour savoir si je pouvais adapter son livre ! À cette époque, je ne me sentais pas encore capable de créer une histoire avec des personnages aussi forts ! Malika m’a redécoupé le scénario du premier tome à partir de son roman et donné des indications tout en les laissant suffisamment vagues pour me laisser beaucoup de liberté ! J’ai pu me débrouiller toute seule pour les tomes suivants puisqu’elle m’avait ouvert la voie !

Quatre soeurs m’a toujours accompagnée, ce sont mes livres doudous ! C’est très proche de ce que j’aime en littérature adulte, quelque chose plein de souffle. L’écriture merveilleuse de Malika, se rapproche beaucoup de la littérature américaine, surtout ce courant qui met des femmes en avant, par exemple Louise Erdrich avec La Chorale du métro bouché, Richard Ford... Je suis très touchée par une histoire quand les personnages féminins sont forts, aussi fouillés que les personnages masculins.



Bettina justement, est celle des sœurs qui aime le plus ce qu’on pourrait qualifier de « féminin », accessoire... Comment va-t-on au-delà d’une vision négative de ces valeurs ?

L’histoire des quatre sœurs Verdelaine ce n’est pas ce qu’on peut appeler, quand le marketing s’en mêle, de littérature « de fille », c’est une vraie histoire universelle. Les parents achètent souvent Enid pour leurs garçons car c’est l’album le plus marqué aventure... même si c’est déjà un peu clivant de dire cela.

La robe de Charlie

Bettina, plus axé sur les histoires de cœur, est moins offert aux garçons. Cela ne veut pas dire qu’ils ne seraient pas intéressés, mais dans ce cas-là ils vont souvent y aller d’eux-même. Bettina aime se maquiller, elle a un cœur d'artichaut, mais à aucun moment je ne la classe dans la catégorie de joyeuse écervelée ou je ne sais quoi... J’essaye de faire en sorte qu’elle soit une fille qui aime se maquiller mais sans que cela la rabaisse pour autant !

Bettina, amoureuse

Je revendique ce droit pour la bande dessinée à faire des histoires qui parlent de filles ! Je suis très fan de l’auteure de bandes dessinées Alison Bechdel qui a mis en place un test qu’on appelle le « test de Bechdel ». Ce test cherche à démontrer dans quelle mesure les œuvres de fiction peuvent être acceptables d’un point de vue féministe. C’est pareil dans la littérature, on peut se demander si un moment il y a deux filles nommées, si elles parlent entre elles et d'autre chose que d'un personnage masculin !

Parmi les personnages, en avez-vous un préféré ? Ou avec qui vous vous sentez proche ?

Je me sens très proche de Charlie, parce que c’est une adulte et qu’on est confrontée aux mêmes soucis : une famille... Mais je pense que j’ai été chacune des filles à différentes étapes de ma vie ! Petite j’étais Enid, j’ai toujours été une grande liseuse comme Hortense, casanière comme Geneviève, j’ai eu une période où j’aimais beaucoup me maquiller et m’habiller de manière un peu fofolle comme Bettina !

Bettina et le fantôme de sa mère

Des couleurs printanières pour des intrigues profondes

Bettina est un tome qui traite de thèmes particulièrement durs...

Oui ce tome a été très très dur à écrire ! Particulièrement avec Muguette, qui vit un moment très dur à l’hôpital où elle est en chambre stérile. Je ne voulais pas montrer l’hôpital car quand on n’a pas vécu ces choses-là on a du mal à se les imaginer.

La maladie, vue par l'imaginaire

Ce choix de cette représentation imagée n’était pas une solution de facilité : je trouvais plus correct de ne pas rentrer dans l’intimité de l’hôpital, ce qui aurait pu être maladroit... Mais finalement j’ai choisi d’aller au plus maladroit ! J’ai pris le point de vue d’Hortense qui entend que Muguette est à l’hôpital à l’abri des microbes et qu’elle perd ses plaquettes, alors je la montre sous une tente de camping et perdant littéralement des petites plaques de son pyjama !

Comment procédez-vous pour le dessin ? La Vill’Hervé, notamment, est très réaliste !

Ah oui parce que j’y ai passé beaucoup de temps ! J’en ai dessiné le plan et il y a des planches portant uniquement sur la maison. Maintenant ce qui est rigolo c’est que si vous comparez tous les albums, vous verrez que d’un volume à l’autre, des fenêtres disparaissent et il y a pas mal de fautes ! Mais ce n’est pas grave, c’est une maison fantasmée, biscornue, en évolution... Certaines pièces, certains éléments sont décrits précisément par Malika, par exemple le lit de Geneviève qui tout en bois et clos avec des panneaux. C’est un lit traditionnel en Bretagne.

La Villa Vil'hervé

Quand je lis le livre de Malika, je me fais des images mentales très précises et puis je n’ai « plus qu’à » les mettre sur le papier ! Je fais aussi beaucoup de recherches ! Ne serait-ce que pour dessiner un vélo, je passe deux ou trois heures sur Google Images pour avoir LE modèle de vélo ! J’essaye aussi de le trouver vu d’angles différents pour pouvoir le dessiner au mieux !

Chaque tome représente une saison, cette fois-ci c’est le printemps...

Le printemps est ma saison préférée, j’étais aussi heureuse de pouvoir le dessiner que de le voir arriver !


Etes-vous allée en Normandie pour dessiner ?

Ca fait très longtemps que je ne suis pas allée par là-bas ! En plus on ne sait pas exactement où se passe l’histoire ! Ce n’est ni vraiment la Bretagne, ni vraiment la Normandie.

Comment-vous avez-vous procédé pour les personnages ? Certains par exemple Tancrède font penser à des acteurs connus !
Tancrède et Charlie

Charlie et Tancrède

Tancrède, c’est Louis Garrel ! J’ai tout un casting, Geneviève c’est Sandrine Bonnaire à quinze ans ; Enid, Charlotte Gainsbourg dans L’Effrontée ; Hortense, Sophie Marceau dans La Boum et Charlie Katie Holmes ! Avec ce casting de départ, les personnages évoluent ! Bettina est la seule moins inspirée d’un personnage réel, quoiqu’elle tient un petit peu de Lilian Gish, actrice du muet, que j’ai beaucoup changée, par exemple avec son nez pointu !

Je m’inspire aussi d’inconnus croisés dans la rue, je fais des mélanges. Par exemple ce matin dans le métro je voyais un petit garçon d’une quinzaine d’années chahuter avec ses copains et je suis dit : « Oh ! J’ai trouvé Augustin ! » J’ai tout de suite pris mon téléphone et fait une espèce de croquis, ou plutôt des traits... mais j’ai mon Augustin !

Quand paraîtra le quatrième tome ?

En général j’annonce deux ans pour chaque album, Bettina m’a demandé 20 mois. Après j’ai un peu changé de technique donc j’espère aller plus vite. Si tout va bien, je dirais début 2018, si j’arrive à aller plus vite, 2017. J’aimerais aussi travailler sur un projet personnel, Vent Mauvais, pour les adultes... et d’autres projets !

Villa Vill'Hervé de nuit
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